XXI

 

Les Parisiens.

 

Les nouvelles apportées par les deux messagers étaient de celles qui sont bientôt dites mais sur lesquelles on revient longtemps. Après le récit sommaire, qui fut d’abord fait par Dandelot, de la prise de la ville, le roi passa aux détails et, moitié par le capitaine, moitié par l’aventurier, il apprit à peu près tout ce que nous avons raconté à nos lecteurs.

En somme, la ville était prise ; le connétable et Coligny, c’est-à-dire, en l’absence du duc de Guise, les deux meilleurs capitaines du royaume, étaient prisonniers et l’on ignorait encore si l’armée victorieuse s’amuserait à batailler devant des bicoques ou marcherait tout droit sur Paris.

Batailler devant des bicoques, c’était bien une guerre qui allait au tempérament craintif et tâtonneur de Philippe II.

Marcher droit sur Paris était une détermination qui s’harmonisait bien avec le génie aventureux d’Emmanuel Philibert.

Auquel de ces deux partis s’arrêteraient les vainqueurs ?

C’est ce qu’ignoraient également Dandelot et Yvonnet.

Dandelot était d’avis que le prince de Savoie et le roi d’Espagne marcheraient sur Paris immédiatement.

Quant à Yvonnet, une pareille question dépassait complètement la hauteur de ses vues stratégiques ; mais, comme le roi doutait absolument qu’il eût un avis, il se rangea à celui de Dandelot.

Il y eut donc majorité sur ce point, que les vainqueurs ne perdraient pas de temps et que, par conséquent, les vaincus n’avaient pas de temps à perdre.

À l’instant même, il fut décidé qu’après avoir pris quelques minutes de repos, les deux messagers partiraient, Dandelot de son côté et Yvonnet du sien, chargés l’un et l’autre d’une mission en harmonie avec la position sociale et militaire respectivement occupée par chacun d’eux.

Dandelot accompagnerait Catherine de Médicis à Paris ; Henri, qui ne voulait pas quitter le voisinage de l’ennemi, envoyait la reine faire un appel au patriotisme des bourgeois parisiens.

Yvonnet partirait pour Laon, remettrait des lettres du roi au duc de Nevers, tâcherait, sous un déguisement quelconque, de rôder autour de l’armée espagnole et de surprendre les intentions du roi d’Espagne à l’endroit du plan que ce dernier allait suivre. Il y avait bien des chances pour que celui qui était chargé de cette périlleuse mission fût pris et pendu ; mais cette idée qui, par les souvenirs qu’elle lui rappelait, eût fait frissonner Yvonnet pendant les ténèbres, n’avait plus d’effet sur le jeune homme une fois le jour venu. Yvonnet accepta donc ; il n’avait de nerfs que la nuit ; mais alors, on l’a vue, il en avait prodigieusement.

M. Dandelot fut autorisé par le roi à s’entendre avec le cardinal de Lorraine, qui avait le maniement des finances, sur les besoins d’argent que lui et son frère pouvaient avoir dans la situation précaire où ils se trouvaient. Quant à Yvonnet, il reçut vingt écus d’or pour le message qu’il venait d’apporter et la commission qu’il allait entreprendre. En outre, le roi l’autorisa, comme il avait déjà fait une première fois, à choisir dans ses écuries le meilleur cheval qu’il y trouverait.

À dix heures du matin, c’est-à-dire après avoir pris chacun environ six heures de repos, les deux messagers partirent pour leur destination respective ; seulement, à la porte, tous deux se tournèrent le dos, l’un allant vers l’orient et l’autre vers le couchant.

Nous retrouverons plus tard Yvonnet, le moins important de nos deux personnages, ou, si nous ne le retrouvons pas, comme nous saurons du moins par ouï-dire ce qu’il est devenu, attachons-nous aux pas de M. Dandelot, lesquels sont aussi les pas de la reine Catherine de Médicis qui, en sa compagnie et sous sa garde, suit la route de Paris aussi vite que le permet la pesanteur du char attelé de quatre chevaux qui la traîne vers la capitale.

En vertu de cet axiome que le danger, vu de loin, est parfois bien autrement effrayant que vu de près, la frayeur avait peut-être été d’abord plus grande à Paris qu’elle ne l’était à Compiègne. Jamais, depuis l’époque où l’Anglais, de la plaine de Saint-Denis, avait pu entrevoir les tours de Notre-Dame et le clocher de la Sainte-Chapelle, jamais, disons-nous, terreur pareille n’avait agité les Parisiens. C’était au point que, le lendemain du jour où la nouvelle de la bataille de Saint-Quentin était parvenue des bords de la Somme aux rives de la Seine, à voir les charrettes attelées et chargées de meubles, les chevaux harnachés avec cavaliers et cavalières en selle, on eût pu croire qu’on était dans un de ces jours de déménagement où le tiers de Paris change de domicile. Or, c’était plus qu’un changement de domicile, c’était une fuite ; la capitale débordait sur la province.

Il est vrai que peu à peu et lorsqu’on avait vu que les nouvelles ne devenaient pas plus alarmantes, grâce à cette précieuse organisation dont, entre tous les peuples, est doué le peuple français, et qui consiste à rire de tout, ceux qui étaient restés à Paris en étaient venus à railler ceux qui l’avaient quitté ; de sorte que, tout doucement, les fugitifs étaient rentrés et que c’étaient ceux-là maintenant qui, rendus plus fermes par la raillerie, paraissaient disposés à tenir jusqu’à la dernière extrémité.

Telle était la disposition où Catherine et Dandelot, en franchissant la barrière dans l’après-midi du 28 août 1557, trouvèrent les Parisiens, auxquels ils apportaient une nouvelle plus formidable encore que celle de la perte de la bataille de la Saint-Laurent, c’est-à-dire celle de la reddition de la ville de Saint-Quentin.

C’est de la façon dont les nouvelles sont répandues que dépend parfois l’effet qu’elles produisent.

– Mes amis, dit Dandelot s’adressant au premier groupe de bourgeois qu’il rencontra, gloire aux habitants de la ville de Saint-Quentin ! Ils ont tenu près d’un mois dans une place où les plus braves eussent hésité à promettre de tenir huit jours ; par cette résistance, ils ont donné à M. de Nevers le temps de rassembler une armée sur laquelle Sa Majesté le roi Henri II expédie à chaque instant de nouveaux renforts, et voilà Sa Majesté la reine Catherine qui vient parmi vous faire appel à votre patriotisme pour la France et à votre amour pour vos rois.

Et, à ces mots, la reine Catherine passa la tête toute entière par la portière de la voiture, criant :

– Oui, mes bons amis, c’est moi qui viens au nom du roi Henri II pour vous annoncer que toutes les villes sont prêtes à faire de leur mieux, comme a fait Saint-Quentin. Illuminez donc en signe de la confiance que le roi Henri a en vous et de l’amour que vous lui portez. Et, ce soir, à l’hôtel de ville, je m’entendrai avec vos magistrats, M. le cardinal de Lorraine et M. Dandelot sur les mesures qu’il y a à prendre pour repousser l’ennemi, découragé par la longueur du siège mis devant la première de nos villes.

Il y avait une grande connaissance de la multitude dans cette façon de lui annoncer une des plus terribles nouvelles que jamais la population d’une capitale eût reçue ; aussi était-ce Dandelot qui avait préparé tout à la fois, et son discours, et celui de la reine Catherine.

Il en résulta que ce peuple qui, si on lui eût dit tout simplement : « Saint-Quentin est pris et les Espagnols marchent sur Paris ! » se fût débandé et eût couru tout effaré par les rues et les carrefours en hurlant : « Tout est perdu ! sauve qui peut ! », se mit au contraire à crier de toutes ses forces : « Vive le roi Henri II ! vive la reine Catherine ! vive le cardinal de Lorraine ! vive M. Dandelot ! » et, pressant de ses flots la voiture de Catherine et le cheval de l’illustre gentilhomme, leur fit une bruyante et presque joyeuse escorte de la barrière Saint-Denis au palais du Louvre.

Arrivé à la porte du Louvre, Dandelot se dressa de nouveau sur les arçons pour dominer la foule innombrable qui encombrait la place, les rues adjacentes et jusqu’aux quais, et, d’une voix forte :

– Mes amis, dit-il, Sa Majesté la reine me charge de vous rappeler que, dans une heure, elle se rendra à l’hôtel de ville où vos magistrats vont être convoqués ; elle se rendra à cheval pour être plus près de vous et, au plus grand nombre que vous serez, elle jugera de votre amour ; n’oubliez pas les torches et les illuminations.

Un immense vivat retentit et la reine put dès lors être assurée que toute cette population, qu’elle venait de s’acquérir par quelques paroles, était prête à faire, comme celle de Saint-Quentin, tous les sacrifices, même celui de la vie.

Catherine de Médicis rentra au Louvre accompagnée de Dandelot ; à l’instant, le cardinal de Lorraine fut convoqué avec ordre de faire réunir les magistrats de la ville, maires, échevins, prévôts des marchands, syndics des communautés, chefs d’États, à l’hôtel de ville pour neuf heures du soir.

On a déjà vu que Dandelot était un habile metteur en scène ; il avait choisi cette heure-là comme celle de l’effet.

La plupart des gens qui étaient assemblés à la porte du Louvre résolurent, pour être sûrs de faire partie du cortège royal et en même temps, pour que personne ne leur prît les premières places, de ne point bouger du poste où ils étaient. Seulement, quelques-uns, messagers des masses, se détachèrent pour aller acheter des torches.

D’un autre côté, ces hérauts populaires qui, dans tous les grands événements, se sacrent eux-mêmes crieurs publics, allaient par les rues qui conduisaient du Louvre à l’hôtel de ville, criant :

– Bourgeois de Paris, illuminez vos fenêtres : la reine Catherine de Médicis va passer se rendant à l’hôtel de ville !

Et, à cet appel, qui n’avait rien de forcé mais qui au contraire laissait aux bourgeois leur libre arbitre, dans toute maison située sur la route que devait parcourir la reine, comme dans une vaste ruche, chacun commençait à s’agiter, à courir aux lampions, aux lanternes, aux chandelles, et, sur chaque fenêtre, lumineuse alvéole, à traduire son enthousiasme que l’on pouvait estimer au nombre des cires brûlantes ou des suifs incandescents.

Nous disons que les crieurs allaient par les rues ; car, avec leur intelligence instinctive, ils avaient bien compris que la reine suivrait la ligne des rues et non celle des quais ; les cortèges qui suivent les quais se trompent dans leur itinéraire s’ils ont besoin d’enthousiasme : le long des quais, l’enthousiasme les suit, mais en boitant comme la justice ; le côté de la rivière est forcément muet.

Ainsi, l’heure venue, la reine, à cheval entre Dandelot et le cardinal de Lorraine, accompagnée d’une suite pauvre et peu nombreuse, comme il convient à une reine qui en appelle à son peuple des revers de la fortune royale, la reine, disons-nous, gagna la rue Saint-Honoré à la hauteur du château d’Eau, suivit la rue Saint-Honoré jusqu’à la rue des Fourreurs, prit la rue des Fourreurs, continua par la rue Jean-Pain-Mollet et déboucha sur la Grève par la rue de l’Épine.

Cette marche, dont les événements eussent dû faire une marche funéraire, devint un véritable triomphe que rappelèrent de bien loin les fameuses proclamations de la patrie en danger, mises en scène par l’artiste Sergent ; là, tout était préparé d’avance ; pour Catherine, tout fut improvisé.

De quatre heures à neuf heures du soir, elle avait eu le temps d’envoyer chercher à Saint-Germain le jeune dauphin François ; l’enfant pâle et maladif était bien celui qui convenait au drame : c’était le fantôme de cette dynastie des Valois près de s’éteindre dans la plus riche postérité qu’eût jamais possédée un roi, à l’exception du roi Priam. Quatre frères ! Il est vrai que trois de ces frères furent empoisonnés probablement, et le quatrième assassiné !

Mais, pendant cette soirée que nous tentons de décrire, le mystérieux avenir était encore caché dans les bienheureuses ténèbres qui le voilent aux regards des hommes. Chacun ne s’occupait que du présent, et le présent en effet portait avec lui une somme d’occupation suffisante aux plus avides d’émotion et de mouvement.

Dix mille personnes accompagnaient la reine ; cent mille faisaient la haie sur son passage ; deux cent mille peut-être la regardaient passer aux fenêtres. Ceux qui la suivaient, ceux qui faisaient la haie, portaient des torches dont la lueur, jointe à celle des illuminations, faisait une lumière moins brillante, c’est vrai, mais autrement fantastique que celle du jour. Les gens qui suivaient la reine ou qui l’accompagnaient secouaient leurs torches ; les gens des fenêtres secouaient leurs mouchoirs ou jetaient des fleurs.

Tous criaient : « Vive le roi ! vive la reine ! vive le Dauphin ! »

Puis, de temps en temps, comme un souffle de menace et de mort passait sur cette foule, et l’on entendait gronder comme une voix sombre, avec accompagnement d’épées choquées les unes contre les autres, avec éclairs de couteaux grandis et détonation d’arquebuses déchargées.

C’était ce cri qui naissait on ne savait où et qui allait se perdre dans l’infini :

– Mort aux Anglais et aux Espagnols !

Et, à ce cri, un frisson passait dans le corps du plus brave, tant on sentait que ce cri était celui de la haine invétérée de tout un peuple.

La reine, le Dauphin et leur cortège, partis à neuf heures du Louvre, n’arrivèrent qu’à dix heures et demie à l’hôtel de ville ; pendant tout le trajet, il avait fallu fendre la foule et, cette fois, l’expression était littérale, aucune garde, aucun soldat ni à pied ni à cheval n’étant là pour rendre aux augustes cavaliers ce mauvais service. Chacun au contraire pouvait toucher le cheval, les vêtements et même les mains de la reine et de l’héritier de la couronne. Les peuples sont en général très avides de toucher ces chevaux qui les écrasent, ces vêtements qui les ruinent, ces mains qui les étouffent. Cet attouchement les fait d’habitude crier de joie, quand ils devraient les faire hurler de haine et de douleur !

Ce fut donc au milieu des cris de joie et des protestations de dévouement de la population tout entière que le cortège royal déboucha sur la place de Grève, où l’hôtel de ville, bijou de la Renaissance gâté par l’ordre de Louis-Philippe, comme tous les monuments sur lesquels il a porté sa main antiartistique, venait d’être bâti.

Tous les magistrats municipaux, les prévôts, les syndics, les chefs de corporations, attendaient étagés sur le perron de l’hôtel de ville, débordant sur la place, s’enfonçant dans l’intérieur sous les voûtes sombres.

Il fallut un quart d’heure à la reine, au Dauphin, à M. le cardinal de Lorraine et à Dandelot pour traverser la place.

Jamais cirque néronien ne fut plus ardemment éclairé, même pendant les nuits où l’on y brûlait des chrétiens roulés dans le soufre et la poix-résine. Des lumières étincelaient à toutes les fenêtres ; des torches flamboyaient par toute la place, se prolongeaient sur les quais, montaient sur les galeries et jusque sur le sommet des tours de Notre-Dame. La rivière semblait charrier du feu liquide.

La reine et le Dauphin ne disparurent sous le porche de l’hôtel de ville que pour reparaître presque immédiatement sur le balcon.

On répondait avec enthousiasme ces mots que Catherine avait dits ou n’avait pas dits : « Si le père meurt en vous défendant, bonnes gens de la ville de Paris, je vous amène son fils. »

Et, à la vue de ce fils, qui devait être ce pauvre petit roi François II de piteuse mémoire, on applaudissait, on poussait des cris, on hurlait.

La reine demeurait sur le balcon pour entretenir l’enthousiasme, laissant le cardinal de Lorraine et Dandelot faire les affaires auprès des magistrats de la ville de Paris.

Elle avait raison ; ils les faisaient et les faisaient bien.

« Ils rassuraient, dit l’Histoire de Henry II par l’abbé Lambert, les magistrats et les principaux bourgeois de la ville de Paris, sur l’amour et sur la tendresse du roi, prêt à sacrifier sa vie pour éloigner les dangers qui semblaient les menacer ; ils leur affirmaient que, quelque accablante que fût la perte que la France venait de faire, cette perte n’était point irréparable, si toutefois Sa Majesté trouvait dans ses fidèles sujets le zèle que ceux-ci avaient toujours eu pour la gloire et les intérêts de l’État ; ils ajoutaient que le roi, afin de ne pas surcharger ses peuples, n’avait point hésité d’engager son propre domaine, mais que, s’étant enlevé cette ressource, Sa Majesté ne devait plus compter que sur les secours volontaires qu’elle se promettait de l’amour de ses sujets, et que plus le besoin était pressant, plus le peuple français devait faire d’efforts pour mettre son roi à même d’opposer des forces égales à celles de ses ennemis. »

Ce discours produisit son effet ; la ville de Paris vota, séance tenante, trois cent mille livres pour les premiers frais de guerre, invitant les principales villes du royaume à en faire autant qu’elle.

Quant au moyens de défense immédiate, – et l’on sait qu’il n’y avait pas de temps à perdre, – voici ceux que Dandelot proposait : d’abord le rappel d’Italie de M. de Guise et de son armée ; c’était, on le sait, chose arrêtée déjà et les ordres relatifs au retour étaient partis depuis longtemps ; ensuite une levée de trente mille soldats français et de vingt mille étrangers ; enfin les hommes d’armes et les chevau-légers devaient être doublés.

Pour subvenir à ces frais gigantesques, dans un moment où le trésor public était à sec, et où les domaines du roi étaient engagés, voici ce que Dandelot proposait :

« Le clergé, sans exception d’aucun bénéfice, serait sommé d’offrir au roi, à titre de don, une année de son revenu ;

» Les gentilshommes, quoique exempts par leurs privilèges de toute contribution, se taxeraient eux-mêmes chacun selon ses facultés. »

Et Dandelot, donnant l’exemple, déclarait, pour son entretien et celui de son frère, ne se réserver que deux mille écus, abandonnant au roi le reste des revenus de l’amiral et des siens.

« Enfin, un travail serait fait par M. le cardinal de Lorraine, administrateur des finances, qui taxerait le tiers-état selon ses moyens. »

Pauvre tiers-état ! on se gardait bien de le taxer à une année de son revenu, lui, ou de lui laisser le soin de se taxer lui-même !

Une partie de ces mesures furent votées d’enthousiasme, les autres ajournées. Il va sans dire que les mesures ajournées étaient celles qui faisaient contribuer le clergé et la noblesse aux frais de la levée et de l’entretien des troupes.

Mais ce qui fut décidé immédiatement, c’est que quatorze mille Suisses seraient levés et huit mille Allemands enrôlés ; c’est que l’on formerait dans chaque province du royaume des compagnies de tous les jeunes gens en état de porter les armes.

En somme, c’était beaucoup de besogne faite dans une soirée ; à minuit, tout était fini et arrêté.

À minuit et quelques minutes, la reine descendait le perron, tenant par la main M. le Dauphin, lequel, tout en dormant debout, saluait gracieusement la foule avec son petit toquet de velours.

À une heure et demie, la reine rentrait au Louvre, pouvant dire, cent ans juste avant son compatriote Mazarin : « Ils ont crié, ils payeront ! »

Oh ! peuple, peuple, c’est cependant cette faiblesse même qui révélait ta force ; c’est cette prodigalité de ton or et de ton sang qui témoignait de ta richesse ! Ceux qui te maîtrisaient en revenaient à toi, dans ce moment solennel où le roi le plus hautain, la reine la plus fière, te faisaient demander l’aumône de ton sang et de ton or, dans le toquet de velours de l’héritier de la couronne.